Chakras et individuation

Les chakras sont des roues d’énergie situées dans le corps subtil. Il existe sept chakras majeurs : muladhara, svadhistana, manipura, anahata, vishudda, ajna et sahasrara. Ces centres d’énergies sont bien connus des pratiquants du Yoga, des bioénergéticiens ou magnétiseurs. Ils peuvent aussi être reliés au cheminement de la conscience.

Dans Les énergies de l’âme, C.G. Jung explique la correspondance entre les chakras, la psychologie humaine et le processus d’individuation.

Muladhara

muladharaLe premier chakra : muladhara est situé à la base de la colonne vertébrale au niveau du périnée. Muladhara signifie support-racine. Les quatre pétales et le carré intérieur représentent le lien avec la matière, avec la Terre, avec l’incarnation. Muladhara est le symbole du monde conscient et de l’existence terrestre où les humains vivent de manière instinctive leur vie corporelle, familiale et sociale. Muladhara peut être considéré comme la base sur laquelle la vie humaine repose. En vivant sur Terre nous pouvons parfois nous sentir piégés par les limites que nous impose la vie terrestre, tout comme nous pouvons nous sentir piégés par les limites du corps, de la société ou de la conscience.

« Muladhara symbolise notre existence consciente personnelle et terrestre.* »

C’est pourtant sur la base de ces apparentes limitations qu’un processus impersonnel peut se déclencher. L’éléphant incarne la puissance porteuse et l’énergie psychique de la libido. Muladhara est le lieu où les dieux sont assoupis, le lieu où le Soi est endormi, où l’énergie de la kundalini repose avant de s’éveiller.

Selon plusieurs traditions religieuses muladhara peut être considéré comme un ventre à l’intérieur duquel l’humain se développe. Cette matrice contient le germe de l’humain en devenir : « Muladhara est une condition transitoire, l’état de germination dans lequel tout commence ». Jung, soucieux de revenir à la réalité immédiate ajoute que dans muladhara les dieux sont inopérants, ils ne signifient rien, cependant « il semble indéniable que même dans notre conscience […] il existe une étincelle qui laisse affleurer une autre conception de la vie ». C’est dans muladhara que s’éveille la nature divine. Jung insiste sur l’importance de ne pas s’identifier aux expériences mystiques et de ne pas se séparer des limites du monde réel si l’on souhaite accéder à la véritable naissance : « Or, naître est une chose essentielle ; vous devez venir au monde — sinon vous ne pouvez pas accomplir le Soi et vous manquez l’objectif dévolu à cet univers ».

« Si l’ étincelle personnelle n’a jamais touché le sol, rien n’en sortira.* »

Svadhisthana chakra

svadhisthanaSvadhisthana est situé dans le petit bassin, entre le nombril et les organes génitaux. Il est associé à l’Eau. Dans un lotus à six pétales rouge vermillon repose le léviathan dans un croissant lunaire.

Les chakras représentent l’ascension de la matière dense vers la matière subtile et spirituelle. Après avoir contacté la réalité de la vie incarnée dans muladhara, svadhisthana représente l’entrée dans la vie psychique. L’élément Eau associé à la lune est un symbole de purification et de renaissance.

Le monstre marin (léviathan, crocodile ou dragon) symbolise les mémoires enfouies dans l’inconscient et la peur d’être réabsorbé par la mère ou la matrice originelle. On peut d’ailleurs observer que le croissant lunaire forme un cercle complet au cœur du lotus, il représente cet océan primordial d’où naît toute forme de vie. Le léviathan représente aussi toutes les réactions physiologiques inconscientes liées aux désirs ou aux instincts que l’on apprend à contenir et à reporter : « l’éducation morale a commencé lorsque nous avons donné à nos besoins des lieux appropriés. »

En s’ouvrant sur le monde de l’inconscient l’individu rencontre la puissance menaçante du léviathan qu’il doit affronter avant de renaître à une vie consciente.

« Le léviathan est le pouvoir qui nous force à la conscience.* »

L’immersion dans les eaux de l’inconscient est un symbole de destruction ou de renaissance. La destruction se manifeste lorsque l’on se laisse dévorer par les désirs inférieurs ou les instincts. La renaissance s’opère lorsque la puissance du léviathan est utilisée en conscience pour sortir d’une pure condition animale. Svadhisthana représente l’eau purificatrice du baptême qui était sensée nettoyer toutes les mémoires du temps de gestation.

« Dans le mystère du baptême — la plongée dans le svadhisthana —,
le « vieil Adam » meurt et l’ « homme spirituel » naît.* »

Selon Jung on entre sur le chemin de l’individuation au 2e chakra. Pour aller plus loin et permettre à la kundalini de s’élever, il est nécessaire de plonger dans l’inconscient sans pour autant s’identifier à ce que l’on y rencontre.

Manipura chakra

manipuraManipura est situé au niveau du plexus solaire, au-dessus du nombril. Il est associé au Feu. Il est représenté par un lotus à 10 pétales bleu foncé dans lequel se trouve un triangle rouge où siègent Rudra et Lakini Shakti, ainsi que le bélier : la monture d’Agni.

Manipura signifie « éclatant comme une gemme ». Selon Jung, le feu de manipura est une source d’énergie avant d’être un pouvoir destructeur. L’étape précédente : svadhisthana représente la confrontation avec les contenus (plus ou moins effrayants) de l’inconscient. A l’étape manipura, les émotions s’éveillent et deviennent passion brûlante. On se laisse prendre par les peurs, par les désirs et par l’illusion.

« Le monde entier est en flammes, nos yeux, nos oreilles
répandent partout le feu du désir.* »

Les émotions enfouies depuis de nombreuses années sont comme le feu qui brûle sous la cendre, elles resurgissent et se libèrent. On peut avoir le sentiment d’être ridicule, grotesque… C’est inconfortable et douloureux, mais dans cette pure énergie se trouve « l’abondance de joyaux ». C’est le « grand trésor de l’énergie émotionnelle à l’état libre ».

« Ne pas avoir conscience de ses passions, voilà qui est bien pire que d’en souffrir.* »

Lorsqu’on vit au niveau du manipura, on peut y rester enfermé, sans avoir même conscience d’y être. On s’identifie à toutes les émotions, aux désirs et aux passions. On « pense avec le ventre ».

Manipura est un symbole alchimique. Le triangle avec ses poignées sont « comme des anses destinées à soulever un pot ». C’est donc pour Jung un centre dans lequel les substances sont digérées et métamorphosées. Le bélier est l’animal sacré d’Agni, dieu du feu. Il représente la puissance des passions et la capacité à les sacrifier.

« C’est le centre du feu, le lieu où le soleil se lève.* »

Au manipura l’individu devient conscient de sa nature divine et éternelle. Il devient un initié, il vit une vie consciente et est prêt à passer à l’étape suivante : anahatha, situé juste au-dessus du diaphragme.

Anahata chakra

anahataAnahata est situé au-dessus du diaphragme qui sépare le monde des instincts, pulsions et émotions du monde de l’Esprit. Anahata est localisé au niveau du cœur. Il est associé à l’élément Air.

Il est représenté par un lotus à 12 pétales de couleur rouge sang à l’intérieur duquel se trouvent deux triangles enlacés où siègent Ishana Rudra Shiva le principe masculin et Kakini Shakti le principe féminin. Au-dessus se trouve Sadashiva l’Être Suprême associé à l’Ether. En bas se trouve une gazelle, créature délicate, rapide et légère.

Anahata est le point de départ de l’individuation. En franchissant le diaphragme, on s’élève au-dessus des manifestations émotionnelles et on se rapproche du Soi.

« Le moi se découvre comme un simple appendice du Soi.* »

Le cœur correspond aux émotions et l’air à la pensée. On reconnait l’existence des passions, émotions, pensées et valeurs comme des objets psychiques. On apprend à les associer à des faits extérieurs concrets.

Le passage de manipura à anahata est délicat. La psyché n’admet pas facilement qu’elle fonctionne de manière autonome et qu’elle est différente de ce que nous sommes. La gazelle est insaisissable comme les contenus psychiques, elle s’élève au-dessus du sol avec la légèreté d’un oiseau. A anahata le vent de l’esprit nous soulève jusqu’au monde de la pensée, de la raison, de la réflexion.

« Nous nous demandons : ’mais pourquoi me conduis-je de cette façon ? ’ * »

On se désidentifie des émotions et on peut les observer. Comme la gazelle nous passons de la terre à l’air et chaque percée dans l’air est une reconnaissance de notre nature divine.

« S’individuer c’est devenir cette chose qui n’est pas le moi.* »

L’individuation commence, on devient un être humain conscient. On découvre la vie impersonnelle, vécue à partir du Soi.

« Le Soi est en effet quelque chose de parfaitement impersonnel — de parfaitement objectif. Si l’on agit par le Soi, l’on n’est plus soi-même.* ».

Ou comme l’a dit Saint Paul : « Ce n’est pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ».

Vishuddha chakra

vishuddhaVishuddha est situé au niveau de la gorge. Il est relié aux oreilles, à la bouche, à la parole et à la glande thyroïde. Il est associé à l’Ether.

Il est représenté par un lotus à 16 pétales de couleur gris fumé sur lesquels sont notées des voyelles brillantes d’un ton écarlate. Au centre se trouve l’Ether de forme circulaire, blanc comme la pleine lune à l’intérieur duquel un éléphant blanc comme neige est surmonté du bija mantra Ham. Sadashiva et Shakini demeurent dans ce lotus.

Au vishuddha comme l’éther qui pénètre toute chose, qui est matière sans être matière, nous entrons dans le monde des concepts et des abstractions. Le processus d’individuation est un processus alchimique qui conduit du plus dense au plus subtil. Vishuddha symbolise le passage d’un état à un autre.

« Au sein de vishuddha, nous transcendons notre présente conception du monde.* »

Celui qui demeure dans anahata ne peut comprendre ce qui se passe au vishuddha. Il a besoin de relier ses pensées ou ses émotions aux faits extérieurs.

Au vishuddha on doit désapprendre tout ce que l’on connaissait du monde pour atteindre l’essence fondamentale de l’univers. Ce n’est pas une vue de l’esprit ni une réflexion, c’est une expérience qui doit être vécue. Les liens entre les émotions et les faits extérieurs se dissolvent. On reconnait que ce que l’on voit du monde est à l’intérieur de soi. Il n’y a plus d’Air, simplement l’éther, la quintessence.

« Le monde lui-même devient un reflet de la psyché.* »

L’éléphant blanc est une force sacrée, il symbolise le pouvoir de ressentir ou de vouloir ce que le mental refuse. C’est un support sur lequel la psyché s’appuie pour voir que l’existence est en toutes circonstances une expérience subjective, mais qu’elle est bel et bien perçue.

« Le vishuddha est la porte de la grande libération.* »

L’union de Shakini et Shiva est une union mystique, elle symbolise l’union des opposés ou des contraires. L’éveil complet n’est possible que lorsque l’on passe la porte de vishuddha. On devient un sage et on vit dans la pure lumière de la connaissance.

Ajna chakra

ajnaAjna est situé au milieu des sourcils au niveau du « troisième oeil ». Il est relié aux glandes pinéale et pituitaire.

Il est représenté par un lotus blanc à 2 pétales contenant les mantras Ham et Ksham associés au soleil et à la lune. Au centre se trouve le triangle du yoni (symbole des organes génitaux féminins) contenant itara-linga en forme de phallus (symbole de la puissance pure et universelle). Aum est le son associé à ajna. A côté du triangle siège Hakini Shakti déesse à six têtes et six bras, symbole du pur esprit et de la conscience non-duelle.

Jung compare ajna à une graine ailée d’un blanc pur parfait, presque sans substance. C’est le lieu où l’homme se recrée dans une forme nouvelle. A ajna se développe le corps subtil ou corps de diamant. Ajna est le siège de l’esprit, du « grand Soi ».

Ajna ne contient aucun animal, le facteur psychique est donc absent. C’est le lieu où l’on s’unit à Dieu et Dieu n’est pas autre chose que le « non-moi ». A ajna on atteint un état de conscience universelle qui inclut toute chose. En l’absence totale d’un « moi » il ne reste plus que la conscience « Je suis Cela ».

Rares sont les personnes qui vivent à ce niveau de conscience. Lorsqu’il est vécu au niveau personnel, ajna est le siège de l’intuition et de l’intellect. Il est associé à la sagesse, à la connaissance, aux capacités psychiques et aux visions. Ajna signifie « commande », c’est le lieu où l’on reçoit une guidance des plans supérieurs. Lorsque nos pensées nous gouvernent, nous ne vivons pas sur le plan de l’ajna puisque nous pensons en fonction de ce monde. Ajna y est « piégé ».

A ajna les deux canaux subtils Ida (lune) et Pingala (soleil) se rejoignent. L’énergie de la Kundalini s’élève dans Ida et Pingala depuis muladara pour arriver à ajna. L’union mystique du féminin et du masculin s’opère, on entre dans la dimension suprapersonnelle. On devient complètement détaché et objectif, on promène sa conscience sur le monde.

« Vous ne songez même plus à faire autre chose que ce que la force vous demande, et la force ne vous le demande plus puisque vous êtes déjà entrain de le faire — puisque vous êtes la force.
Et cette force retourne à son origine, retourne à Dieu.* »

Sahasrâra chakra

sahasraraSahasrara est représenté par un lotus aux mille pétales et aux mille rayons. Il contient toutes les couleurs et est sans couleur, il est lumière pure.

C’est le lieu de l’union finale de Shiva et Shakti, là où la Kundalini débouche après avoir traversé les six chakras inférieurs.

Kundalini est l’énergie intérieure qui remonte du canal central Shushumna lorsque les deux canaux Ida (féminin) et Pingala (masculin) s’équilibrent. Ida et Pingala remontent en spirale autour de Shushumna, le long de l’épine dorsale. Cette spirale originelle représentée dans le caducée relie le monde de la matière brute aux énergies subtiles.

Situé au-dessus de la tête Sahasrara « se tient au-delà de toute expérience possible. » Il n’est plus directement relié au corps, il appartient au plan transcendant.

« Il n’y a pas d’expérience parce que Dieu est Un, l’Un sans second.* »

A moins d’en faire la non-expérience, sahasrara est difficilement compréhensible par l’esprit occidental qui se base sur la réalité matérielle pour expliquer les plans plus subtils. L’esprit oriental fait l’inverse, il affirme qu’au commencement est Brahman, l’Un sans second. Il conçoit l’homme de haut en bas et commence au niveau de sahasrara pour descendre vers muladara.

Sahasrara est la porte de la délivrance, il est conscience universelle et cosmique. Toute notion d’ego ou de moi disparaît. C’est le nirvana, la vacuité, le vide plein, le silence, l’inconnaissance dans lesquels toute chose apparaît.

« Lorsqu’il est libéré des objets des sens, la connaissance du monde comme
extérieure ne surgit plus. Lorsque la connaissance du monde extérieur est détruite, il devient égal envers toute chose.**’’
« Comme une pincée de sel au contact du liquide, se liquéfie, pareillement l’esprit,
au contact de Brahman, se brahmanifie. Et de même que le sel, dont la nature
est de révéler un goût salé, atteint son propre état lorsqu’il est dissous,
de même l’esprit : le nirvana est son état propre, puisque sa vraie nature est Connaissance de Brahman.**’’
Les énergies de l’âme, CG Jung, Albin Michel.
** Mythes et symboles du yoga, Tara Michael, Dervy
Cet article est une compilation des articles parus dans les bulletins de l’Association Akali n° 19 à 25, de l’été 2013 à l’hiver 2014. Veuillez mentionner la source en cas de copie partielle ou complète.

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